La descente aux enfers de la rémunération Kindle Unlimited

Oui, cela fait quelques décennies déjà que je n’ai pas écrit d’article sur ce blog, ou que je ne vous ai pas envoyé d’email. Plutôt que de faire des promesses de gascons ou une postface sur les 3 années qui viennent de s’écouler, passons rapidement au vid du sujet qui vous intéresse : le prix de la page KENP.

La KEN quoi ? La KENP ou Kindle Edition Normalized Page et sa rémunération. Mais si, vous savez… le truc qui vous donne de l’argent quand les abonnés Kindle Unlimited empruntent vos ebooks sur Kindle et vous rémunèrent à la page lue.

Pendant des années, une autrice de mes connaissances partageait avec un petit groupe une mise à jour de l’évolution de cette rémunération qui est à la seule discrétion d’Amazon. Dans ma mémoire, la rémunération à la page lue tournait alors autour de 0,0043 euro la page lue. C’est à dire que la lecture complète d’un ebook de 200 pages KENP (ça ne fait pas 200 pages papier) rapportait 86 cent de rémunération. C’était certainement moins que les royalties qu’on touchait à la vente de ce livre, mais on bénéficiait du volume de lecteurs dans Kindle Unlimited.

Mais ça, c’était avant l’épidémie, avant l’explosion de la lecture du confinement (qui n’a malheureusement pas survécu audit confinement), avant l’érosion graduelle aussi des efforts (financiers) d’Amazon.À croire qu’ils auraient décidé de garder une partie de l’argent pour eux.

Faisons une petite digression pour relire ensemble les exemples de rémunération cités par Amazon dans sa documentation et se payer une bonne tranche de rire.

Par exemple, voici comment nous calculerions le paiement des redevances si 10 millions de dollars de fonds étaient disponibles au cours d’un mois donné avec un total de 100 millions de pages lues. (Remarque : Les versements réels sont susceptibles de varier. (…)) :

L’auteur d’un ebook Kindle de 100 pages qui aura été emprunté et lu dans sa totalité 100 fois touchera 1 000 € (10 millions € multipliés par 10 000 pages attribuées à cet auteur, le tout divisé par les 100 000 000 pages au total).

L’auteur d’un ebook Kindle de 200 pages qui aura été emprunté et lu dans sa totalité 100 fois touchera 2 000 € (10 millions € multipliés par 20 000 pages attribuées à cet auteur, le tout divisé par les 100 000 000 pages au total).

L’auteur d’un ebook Kindle de 200 pages qui aura été emprunté 100 fois et, en moyenne, lu seulement à moitié touchera 1 000 € (10 millions € multipliés par 10 000 pages attribuées à cet auteur, le tout divisé par les 100 000 000 pages au total).

En lisant ça, on pourrait imaginer qu’un auteur toucherait 10€ à chaque fois qu’un lecteur lira son ebook de 100 pages. Ah Ah Ah !

Mais ça, on y croit uniquement si on ne regarde jamais combien on gagne avec les pages KENP lues dans Kindle Unlimited. Parce que si on va sur le tableau de bord des royalties et qu’on croise avec le rapport sur les pages KENP lues, on se rend compte que le compte n’y est pas.

Parce que la rémunération à la page lue KU, c’est pas Byzance : plus ça va, moins ça le fait, et ça fond inexorablement, ou presque. Ce graphe que j’ai reconstitué illustre mes propos :

Sur les premières années, je ne suis pas allé retrouver le montant des royalties à la page tous les mois, mais je me souviens d’une irrégularité assez importante. On voit bien aussi un décrochage important en 2021, qui n’a pas été rattrapé depuis, même si la chûte a été ralentie.

D’ailleurs, quand on voit cette chûte, on se demande si elle va s’arrêter un jour. Comme mes souvenirs de maths sont anciens et que j’étais assez nul en statistiques et estimations, je ne ferai pas de courbe dans Excel, mais on peut s’attendre à une baisse jusqu’à 0,25 cent la page lue en 2025 et un plancher à 0,2 cent d’ici la fin de la décennie.

Alors se pose une question : est-ce que cela vaut encore le coup d’être dans Kindle Unlimited ?

La réponse pour ceux qui y sont déjà est évidemment oui, mais quand est-ce que la souffrance d’une rémunération peau de chagrin va-t-elle l’emporter sur l’intérêt commercial et marketing de l’offre ? Est-ce qu’il n’est pas temps de faire des efforts pour développer un lectorat plus rémunérateur dans d’autres jardins dorés ? De trouver d’autres modes de distribution qui n’imposent pas l’exclusivité de KDP Select pour être dans Kindle Unlimited (comme pour les maisons d’édition “classiques” ?)

Pour ceux qui n’y sont pas, l’argument rémunération par le prix à la page est évidemment de moins en moins pertinent.

La prochaine fois que vous recevrez un email d’Amazon vantant la rémunération des auteurs dans KDP Select et le fonds Kindle, n’oubliez pas de sortir votre calculette : comme pendant Black Friday, il y a des fraudeurs qui traînent.

PS : ne vous fiez pas au ton un peu ironique de ce post. On parlera de choses plus intéressantes et plus positives dans les prochains articles.